Il y a ces relations qu’on choisit en conscience, puis il y a celles qu’on subit en les appelant « destin ». Si tu lis ceci, c’est peut-être que tu sais déjà que quelque chose cloche. Alors viens, on regarde ensemble ce que tu refuses peut-être encore de regarder en face.
Lettre à toi qui vit une relation-combat,
Il y a encore quelques années (une ou deux décennies?), une relation toxique c’était un mari ou une femme violente, une jalousie explosive, de l’alcoolisme, des mensonges à gogo, une dévotion sacrificielle dans un couple figé par l’époque…(et tu ajouterais quoi toi?)
Aujourd’hui, la toxicité s’est mise en jolie lumière tamisée, parle développement personnel, se joue dans en backstage d’escapades et voyages instagrammables...elle te fais douter de ta valeur, te punit par le silence, te souffle le chaud et le froid, te fais vivre des ouragans à répétitions, puis affiche des “je t’aime” en story, puis…recommence.
Aujourd’hui on ne subit plus les relations toxiques : on les choisit. Et parfois, on les choisit avec ardeur, même qu’on les défends bec et ongles. Toujours une justification rationnelle aux dingueries que tu vis et aux comportements inacceptables de l’autre…(il ou elle vit un moment compliqué, il ou elle est fatigué.e, c’est pas facile pour lui.elle etc.), bref, tu connais?
Il faut qu’on parle.
Avant, les femmes ne partaient pas : manque de droits, manque d’argent, pression sociale, religion, honte. On estimait qu’un couple “toxique” se résumait à ce qui se voyait : coups, cris, humiliations (et j’en passe).
Aujourd’hui, c’est bien plus subtil ; les sociologues notent une explosion de dynamiques relationnelles “intermittentes”, aka celles qui activent le système de récompense du cerveau (celles là même qui nous font des noeuds au cerveau, dans le ventre, et qui nous rendent chèvre). Selon une étude de l’Université de Denver (2022), près de 47 % des ruptures entre 20 et 35 ans sont suivies d’un “retour” dans les 6 mois. Pas par amour : par conditionnement, simple.
Parce que tu le sais probablement déjà : on préfère un enfer familier qu’un inconnu neutre.
Alors demande-toi, pendant que tu doutes : qu’est-ce qui t’effraie le plus, perdre l’autre, ou te retrouver face à toi-même ? Faire un petit inventaire rationnel pourrait être une première piste de réflexion.
On le sait déjà depuis belle lurette : l’amour sain active l’ocytocine (attachement).
Les relations chaotiques quant à elles, stimulent suuuuuurrrtout la dopamine (addiction).
Les pics émotionnels (je viens / je fuis / ouragan / on baise / je t’aime / retour mignon / story insta love to love / je t’embrouille / silence radio…) activent le même circuit que les machines à sous. Selon l’INSERM, les interactions irrégulières renforcent 2 à 3 fois plus l’attachement que la stabilité émotionnelle. OUPSY.
Voilà pourquoi ces histoires semblent “fortes”, “comme une évidence”, “addictives”.
La vérité (t’as capté) est qu’elles ne sont pas fortes, elles sont JUSTE neurochimiques… puis renforcées à coup de narratif et d’autogaslighting. Y’a pas à tortiller.
Combien de temps comptes-tu encore te shooter à quelqu’un qui t’abîme (même par intermittence) ? Et pour quelles raisons de fond tu t’accroches à cette relation chimérique ?
Et si tu ne tombais pas “par hasard” dans un couple forcing? Et si tu t’y engouffrais parce qu’il y a un appel d’air quelque part?
– une blessure d’abandon qui espère enfin être choisie?
– une humiliation ancienne que tu veux réparer?
– une insécurité relationnelle que tu maquilles en loyauté?
– une solitude que tu remplis à n’importe quel prix?
– un premier amour qui t’a laissé croire que “aimer, ça fait mal”?
Tu le sais (et on se sait) : même les gens bien élevés, bien aimés, (bien nés), bien entourés tombent dedans. Parce que la douleur n’a pas besoin d’être spectaculaire pour être fondatrice.
Alors, ouvrons une vraie porte (ou enfonçons une porte ouverte tous en choeur) :
qu’est-ce que cette relation réveille en toi que tu n’aurais jamais guéri ? Et que tu espères résoudre en t’acharnant la mauvaise personne ? Si tu retirais le sexe, l’attirance physique, et l’image que tu as de cette personne… que resterait-il de la relation? Envisagerais-tu de fonder un foyer avec cette personne? (si y’a un doute ici : y’a pas de doute…).
A notre époque formidable, le couple a pris de nouvelles fonctions sociales :
fonction refuge : fuir le vide, la solitude, l’incertitude.
fonction statut : prouver qu’on est aimable, bankable, désirable.
fonction image : “regardez comme je vais bien”, même si tu pleures et que tu te rends malade après chaque dispute.
fonction identité : se définir par quelqu’un, faute de se définir soi-même.
fonction anesthésie : occuper le terrain intérieur avant qu’il ne hurle.
Reprenons une dose de stats : et dans une société où 61 % des moins de 35 ans disent ressentir une “insécurité affective chronique” (étude IFOP, 2023), le couple devient une sorte de calmant existentiel. A quel point es-tu d’accord avec ça?
Supplément :
Construis-tu quelque chose de vrai et d’harmonieux avec cette personne? Sous titre : quel narratif ou image sociale construis-tu avec ton ou ta partenaire ?
Allons-y sans ménagement, pas le temps pour les foutaises, tu forces parce que…
tu veux prouver que tu n’es pas “encore en échec” (oui nous sommes nombreux à galérer pour créer des relations saines, stables, épanouissantes, tu n’es pas seul).
tu as honte d’admettre que tu t’es trompé (oui, quand les familles et les amis ont été présentés si vites, I feel you : on a du mal à reculer, non ne veut pas perdre la face. On assume jusqu’au bout…mais si tu savais comme tes proches seraient heureux et soulagés pour toi dès que tu te libèreras de ce bourbier. Personne ne te jugera.)
tu veux sauver quelqu’un pour éviter de te sauver toi-même. (oui ton ou ta partenaire a probablement quelque chose à régler et gagnerait à être accompagné.e).
tu confonds loyauté et attachement traumatique.
tu veux montrer à ton entourage que “toi aussi”, tu as ou que tu “es quelqu’un”. (oui tu es fier de ton outa partenaire, de ce qu’il ou elle représente, mais repense à ma question : sans sexe, sans représentation, sans attirance physique : que reste-t-il de l’essence de cette relation?).
tu préfères l’illusion à la solitude. (mal de notre génération?).
Et surtout : tu as construit un narratif tellement puissant que tu as peur de le détruire. Je te vois.
Alors soyons sincères, on peut tout se dire :
protèges-tu ta relation… ou ton ego ?
ton partenaire… ou ton image ?
D’après les observations cliniques + recherches en psychologie de l’attachement, on voit trois scénarios majeurs :
Scénario 1 : durée 6 à 18 mois (quand l’un des deux fait preuve de grande lucidité et de maturité émotionnelle)
La dopamine s’essouffle.
L’un étouffe.
Ça explose. Boum, rideau, bonsoir.
Scénario 2 : Durée 2 à 3 ans (quand les deux n’ont pas encore avancé sur la cautérisation leurs blessures)
Vous êtes blessés de la même manière, vous vous accrochez l’un à l’autre comme à un radeau troué…
jusqu’à ce que l’un guérisse (consulte)… et que l’autre reste coincé.
Scénario 3 : ça dure, ça force mais ça abîme fort (j’ai pas les mots).
Couple fonctionnellement toxique, on cohabite, on survit, on ment, on trahit en permanence. On rompt au moindre pet de travers, et on revient comme si de rien était.
On se raconte que “c’est mieux que rien”. L’un ou l’autre développe différents symptômes physiques (somatisations, maladies, blessures, céphalées, insomnies, grosses fatigues, états de vigilance) et les déboires s’enchaînent (problèmes d’argent, de boulot, de voiture, etc)… bref la relation encrasse la systémie et l’équilibre global).
Et quels sont les déclencheurs de fin les plus fréquents ?
un déclic thérapeutique
une humiliation de trop
la perte d’admiration
la rencontre d’un lien réellement sain
le regard lucide d’un proche
l’effondrement de la fiction : “Je ne peux plus faire semblant.”
un nouveau job, un nouveau cercle de relations qui insuffle un nouvel état d’esprit
Alors demande-toi dès aujourdh’ui : quel serait ton vrai point de bascule ?
Et pourquoi attends-tu d’être au bout du rolls pour comprendre et faire face ?
Pour ce faire, juste une dernière question :
qui deviens-tu dans cette relation ?
Et est-ce que cette version de toi mérite d’être prolongée ?
Parce qu’on ne quitte jamais vraiment quelqu’un, on quitte la personne qu’on devient à ses côtés.
Et si ces relations que l’on force nous servent à mieux connaître nos limites, nos valeurs, nos points cardinaux, nos fondamentaux, nos non-négociables? … pour peut-être un jour mieux définir notre carte du monde des relations. Et si on les envisageait comme un stage, une initiation?
Si tu te reconnais dans ces lignes, ou si tu connais quelqu’un qui vit ça, je peux t’accompagner, comme j’accompagne chaque semaine des individus et des couples qui veulent sortir de ces dynamiques, comprendre leurs schémas, et choisir mieux.
Tu peux aussi recommander cette newsletter à un ami : parfois, c’est le premier pas pour faire bifurquer une trajectoire.
Avec force et douceur, Anissa.