Ou comment le système et notre indigence culturelle a fini par atomiser nos liens. Faut pas s'étonner. (Lettre écrite sous l’influence conjuguée de la caféine, du syndrome prémenstruel et d’une lucidité un peu trop aiguisée).
On est fatigué. Oui, très fatigué, mais de quoi exactement?
Certes, on travaille trop, on paye trop, on supporte trop, on espère trop peu, on ferme nos gueules, on ronge nos freins. On se dit que c’est “la vie moderne” et que “tout le monde est fatigué”. Next.
Oui mais je vais te dire une bonne bonne chose, dans le fond ce n’est pas la fatigue physique qui nous flingue, c’est la fatigue du sens.
Nos cerveaux saturent d’informations, de stimulis, de peurs et d’injonctions paradoxales, nos yeux se noient dans les écrans, nos journées se réduisent à une succession de micro-batailles pour tenir debout.
Alors oui, on s’adapte, en permanence, parce que c’est notre super pouvoir d’humain : l’adaptation.
L’humain s’adapte à tout, même à l’insupportable, c’est même ce qui lui a permis de survivre.
Mais l’adaptation, mal orientée, devient soumission.
Tu sais, parfois je me dis que La Boétie aurait fait un malheur sur TikTok. Le gars avait tout compris, déjà au XVIᵉ siècle. Dans Le Discours de la servitude volontaire, il expliquait comment les peuples finissent par se soumettre d’eux-mêmes, non pas sous la contrainte, mais par habitude.
Il aurait probablement intitulé son premier reel :
“Tu crois être libre, mais t’as juste appris à aimer ta laisse.”
Et quand un environnement devient malade voire carrément toxique, comme dans une relation avec un pervers narcissique collectif, on s’épuise à décoder, à justifier, à rester. On croit “gérer” mais en réalité, on se désintègre lentement.
Alors, entre molesse, résignation et sidération passive, dans nos vies de zinzin on s’adapte à des rythmes complètement absurdes, à des relations tièdes en demi-molles, et à des institutions qui nous méprisent (voire nous chient dessus ouvertement, ils ne se cachent même plus)…on s’adapte tellement qu’on finit par croire que le médiocre “c’est juste la base”.
La médiocrité est tout sauf un accident : c’est une stratégie, un système bien ficelé (et adoubé par nos soins).
Et la bougre elle est archi rentable, confortable et surtout indolore (à première vue...).
L’État et les administrations s’y vautrent, les entreprises s’en accommodent et les familles s’y habituent.
Et nous, on s’y glisse confortablement et on y reste persuadés qu’on n’a “pas le choix”.
On s’habitue aux mensonges, aux retards, aux promesses creuses, aux “je fais au mieux” qui ne font plus rien du tout. On s’habitue aussi à la nonchalance, à l’indélicatesse, au service client inexistant, et à la bienveillance de façade (ouais ducon, cause toujours).
Et chaque fois qu’on tente de relever le niveau, on nous traite de relou, de rigide, d’insolent, d’exigeant (ou de complotiste - pour moi c’est même devenu un compliment !).
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